lundi 10 octobre 2016

Chroniques du Cellier: le Pic mar

    Ce 5 octobre, nous allons JC (rien à voir avec le Christ) et moi faire une petite promenade au Cellier dans une coulée verte qui part de la Loire. Balade sans but précis mais j’ai emmené mon filet pour les orthoptères à tout hasard.
    Nous remontons le vallon dont le fond est constitué d’anciennes prairies plutôt abandonnées ou rarement pâturées. Certains chênes qui les bordent sont centenaires et tranchent avec les autres arbres assez chétifs. Nous entendons quelques martèlements qui proviennent peut-être de sittelles que nous entendons. JC repère un pic épeiche sur un des ces chênes vénérables. Mais rapidement sa calotte rouge et ses flancs tachetés nous révèle une surprise; c’est un Pic mar, Dendroscopos médium, l'oiseau qui abat les arbres. L'espèce est surtout inféodée aux vieilles chênaies du nord du département. L’observation est  malheureusement de courte durée. Nous sommes contents de cette rencontre inespérée, moi qui partait pour le seul plaisir de la marche.
    Derrière le chêne de la planche à Marion, arbre sénescent de trois cents ans, nous pénétrons dans la prairie fauchée pour que je puisse donner quelques coups de filets à la recherche de criquets. Les criquets des pâtures, Pseudochorthippus paralellus, sont nombreux mais rapidement je repère un criquet avec le bout des antennes blanc, le Gomphocère roux, Gomphocerippus rufus, cette espèce que j’ai découverte sur la Varenne au début septembre à 3 km de là. Ce gomphocère est connu seulement dans le nord-est de la Loire-Atlantique. Décidément cet après-midi se déroule sous les meilleurs auspices.
Toutes les données de Gomphocère roux dans la base
    Sur le plateau, nous entendons un cri caractéristique du Pic noir, JC tente une repasse avec son smartphone mais il est clair que celui n’est pas assez puissant car le pic n’y répond pas. J’ai découvert, il y a presque 20 ans, les loges de ce pic dans le parc du Château de Clermont situé à 1,5km. JC l’entend occasionnellement dans la coulée derrière chez lui également au Cellier.

   Revenu à la maison, j’ouvre la base Faune Loire-Atlantique et je recherche les données de Pic mar. Je m’aperçois que cet oiseau à déjà été observé aux alentours du Château de Clermont en avril 2015 et février 2014. Voilà une idée de prospection pour l’année prochaine à la fin de l’hiver.
Toutes les données de Pic mar dans la base
Jean-Luc Le Bûcheron

vendredi 7 octobre 2016

Les chroniques de la Bréhardière : la Batbox

    En ce début d’octobre, je profite d’un après-midi ensoleillé pour faire le tour du jardin à la recherche d’orthoptères. Cette année la sécheresse a certainement freiné le développement de cette population d’insectes. Dans le jardin l’herbe verte est plutôt rare, aujourd’hui devant mes pas peu de criquets sauteurs. Euchorthippus declivus, Omocestus rufipes, Chorthippus biguttulus, les criquets habituels mais ce que je cherche ce sont des decticelles et je me suis muni d’un détecteur d’ultrasons batbox. Cette petite boîte électronique permet de transformer les fréquences inaudibles pour nos oreilles humaines en fréquences audibles. A l’origine ce dispositif est fabriqué pour entendre les ultrasons émis par les chauves-souris, d’où son nom anglais.

    Sur le côté, une molette permet  d’inspecter la plage de fréquences entre 9.1 kHz (kilo Hertz) et 142.5 kHz.  Un écran permet de visualiser la fréquence du balayage. L’oreille humaine peut percevoir, en théorie, des fréquences entre 20hz et 20.000Hz (20kHz) mais en vieillissant les fréquences hautes ne sont plus perçues. L’environnement sonore où nous vivons agresse notre sensibilité auditive. Les bruits de la ville, les usines où nous travaillons, nos écouteurs placés dans les oreilles, nos soirées en boîte de nuit en sont responsables.
    Je parcours donc le jardin en balayant les friches avec ma batbox et rapidement un crépitement se fait entendre. En orientant de gauche à droite la box, le son diminue ou augmente et me permet d’avoir un azimut de l’émission mais malgré plusieurs minutes de recherche autour de ces herbes sèches, impossible d’en découvrir la provenance.
    Je repars en quête plus loin. Le même crépitement, situé dans les mêmes fréquences, de la même façon j’arrive à avoir un azimut mais je n’arrive pas à détecter la bestiole. Le son paraît venir du haut des herbes mais je ne vois rien. De nombreuses inflorescences sèches de carottes sauvages et de centaurées se balancent devant moi, j’oriente le détecteur dans cette direction et diminue sa sensibilité pour être plus précis dans mon repérage. Pas de doute, le son vient des fleurs recroquevillées. Je les détaille une par une et je finis enfin par découvrir un mâle de Decticelle carroyée, Tessellana tessellata, en train de striduler car je vois ses tegmina bouger. Quand j’éteins le détecteur je ne perçois aucun son, j’approche lentement mon oreille de la decticelle et à seulement vingt centimètres j’entends le frottement des tegmina. Je continue ma prospection et trouve deux autres tessellata.
Tessellana tessellata mâle
    Dans le pêcher, une Grande Sauterelle verte chante ; je n’ai pas besoin de détecteur pour l’entendre mais la box permet de la repérer plus précisément. Cet appareil est utile pour les personnes dont la sensibilité de l’oreille baisse même avec des fréquences audibles.
Phaneroptera nana
Je capture à la main un Phanéroptère méridional, Phaneroptera nana, que je photographie. Ses stridulations sont des cliquetis de fréquences élevées émis principalement la nuit. Bien que coopératif, il n’a pas envie de chanter. D’autres sauterelles sont uniquement repérables avec ce genre de détecteur mais je ne suis pas encore aguerri à ces prospections, avec le temps et du travail on s’améliore.

Jean-Luc Fabre